La culture du risque sismique aux Antilles

Pwépawé – pwotéjé

Les Antilles françaises constituent un territoire ultra-marin particulièrement exposé aux aléas géologiques naturels. L’activité tectonique y est telle que l’ensemble de l’archipel est soumis à des tremblements de terre fréquents et potentiellement de très forte intensité. La culture du risque sismique antillaise est constituée en partie de la mémoire des catastrophes et de la conscientisation de la population face à l’activité régulière de la plaque Caraïbe. En parallèle, la connaissance de l’activité tectonique régionale va croissante grâce au réseau régional de surveillance sismique, parmi les plus développés de France. Forte de cette dynamique, la politique de prévention des risques prend tout son sens. Elle tend à la préparation de l’ensemble des acteurs de la Société Civile au « Big One » français. A cette fin et depuis 2007, les multiples composantes du Plan Séismes Antilles investissent bon nombre des strates de la société caribéenne. Progresser vers la préparation à la mise en sûreté et la sécurité de la population et des biens est prioritaire. Pour ce faire, de multiples actions d’acculturation sont réalisées telle qu’à l’occasion de la « semaine sismik ». La culture du risque sismique antillaise se positionne comme une référence nationale, favorisant la résilience d’un territoire jusque-là présenté sous l’angle de sa vulnérabilité.

L’arc antillais : témoin d’activités tectoniques variées

L’archipel des Antilles a émergé de la rencontre de deux plaques lithosphériques : la plaque Caraïbe et la plaque nord-américaine. La zone des petites Antilles est donc soumise à plusieurs aléas géologiques naturels de type volcanique et sismique engendrant notamment le risque de tsunami (cf. Sismicité et volcanisme aux Antilles- IPGP).

La plaque Caraïbe d’environ quatre millions de km² est considérée comme stationnaire (mouvement d’environ deux cm par an vers l’est). Elle est en contact avec d’autres plaques lithosphériques suivant des phénomènes de subduction et de décrochement.

L’Arc antillais marque la limite entre la plaque Caraïbe à l’est et la plaque nord-américaine à l’ouest. Le plongement de cette dernière sous la première a constitué la chaîne volcanique de la quasi-totalité des îles antillaises. Dans cette zone de subduction, les plaques lithosphériques sont épaisses, rigides et cassantes. Elles cumulent une énergie importante. Sa libération lors de la rupture des plaques est créatrice de tremblements de terre potentiellement puissants. L’activité sismique liée au volcanisme est également significative.                                  

De l’humain au sismomètre : la connaissance des séismes aux Antilles 

Dernier tiers du XIXe siècle, la sismologie instrumentale se développe alors aux Antilles. Le réseau de capteurs sismiques s’étoffe sur l’ensemble du territoire français ultra-marin. L’importance des données macrosismiques y tient néanmoins toujours une grande place.

La mémoire antillaise des séismes : d’hier à aujourd’hui

Mardi 15 février 2022, un tremblement de terre d’une magnitude de 5.2 sur l’échelle de Richter (selon l’Observatoire sismologique de Guadeloupe) a été ressenti dans tout l’archipel des Antilles.  Ce séisme fait écho à celui du 8 février 1843 dont la magnitude est estimée entre 8.3 et 8.8 : c’est l’évènement sismique de référence le plus dangereux aux Antilles.

 

Cette catastrophe est très bien documentée dans les archives. Comme le tremblement de terre du 15 février dernier, l’épicentre du séisme de 1843 était au large entre les îles de la Guadeloupe et celle d’Antigua. Pointe à Pitre est très impactée par le séisme puis par l’incendie généralisé qui s’en est suivi. La ville est détruite et on dénombre plus de 3 000 décès. Un grand nombre de répliques sismiques ont eu lieu pendant les huit mois suivants (intensité entre III et VII).

La sismicité instrumentale et les données colocalisées des Antilles françaises

L’information scientifique et technique associée à la recherche fondamentale sont les principales composantes de la prévention par la surveillance du risque sismique. Aux Antilles françaises, ce ne sont pas moins de sept instituts qui assurent une veille scientifique des réseaux de surveillance sismologique. Le Centre des Données Sismologiques des Antilles (CDSA) regroupe les informations de l’ensemble de la zone. Il constitue ainsi une compilation de données précieuses pour la communauté antillaise. A titre d’exemple, l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe (OVSG) fait partie de ce réseau de surveillance locale tout en dépendant de l’Institut de Physique du Globe de Paris.

Depuis 1902 et l’installation des premiers sismomètres sur les différentes îles caribéennes françaises, le réseau s’est progressivement adapté et étoffé (cf. L’histoire de la sismologie aux Antilles). Les stations ont été reliées par liaison radio. Les données ont aussi gagné en précision. Ces éléments de connaissance sont indispensables pour comprendre le phénomène sismique. Avec l’évolution de l’utilisation d’internet, les nombreux signaux des ondes sismiques caribéennes sont enregistrés et archivés sous forme numérique. Ces données sont compilées sur les serveurs du Programme national RESIF (Réseau sismologique et géodésique français). Une fois étudiées, ces données instrumentales déterminent si les tremblements de terre sont d’origine tectonique ou bien volcanique.

Des traitements automatiques de ces données numérisées participent à la gestion de crise sismique. Un système d’alarme prévient les responsables identifiés. La réaction est rapide en cas de séisme majeur et l’anticipation de mise avec la surveillance du risque tsunami.

Les données macrosismiques des sismotémoins antillais

Une place importante est attribuée à la description des effets du tremblement de terre. En déterminer l’intensité revient aux SISMOTEM (sismotémoins).

Réparties entre la Guadeloupe, la Martinique, Saint Martin et Saint Barthélémy, les nombreuses stations sismologiques enregistrent plusieurs séismes par jour en moyenne. Celles-ci sont installées dans des bâtiments tels que des établissements scolaires, des bâtiments administratifs, piscine, terrain d’aviation, etc. Le témoin volontaire, à proximité du capteur est averti par message lors d’un tremblement de terre (suffisamment puissant pour être ressenti par l’homme). Le Sismotémoin retranscrit en ligne son expérimentation de l’évènement : déplacements de meubles, chutes d’objets, émotions, vulnérabilité du bâti, difficultés à se tenir debout, etc.

Ce réseau est géré par le Bureau Central sismologique français. Il est appuyé par les gestionnaires des stations sismologiques sur place. Sur place, le BRGM constitue le réseau de témoins. Un référent assure l’animation du site et la gestion des témoins. Il les informe des enjeux liés à ce projet.

Le Plan Séisme Antilles : un formidable levier pour la Culture du risque sismique

Dès janvier 2007, le gouvernement français a adopté un plan séisme aux Antilles. Celui-ci s’intègre au programme national de prévention du risque sismique. A ce jour, le PSA débute sa phase 3 (PSA3 2021-2027). Les deux premières phases lui ont permis de procéder au diagnostic de plusieurs milliers de constructions vulnérables dont la quasi-totalité des établissements scolaires. Dès lors, la réhabilitation de bâtiments publics prioritaires a débuté. L’objectif réside dans la mise en sécurité des usagers et des personnels des établissements scolaires, centres de secours, bâtiments de l’Etat dédiés à la gestion de crise (hôpitaux) et des logements sociaux. Le développement de la culture du risque sismique par l’ensemble des catégories de la société civile est manifeste. La réalisation d’actions d’information préventive y participe pleinement.

L’aménagement du territoire et l’architecture parasismique au cœur de la résilience territoriale

Les opérations de consolidation et de reconstruction des bâtiments de classe D progressent. La transversalité de l’approche préventive ainsi que l’accompagnement des collectivités est favorisé dans le PSA3. Ainsi la double thématique constructive parasismique et para cyclonique est désormais intégrée autant que possible.

L’ensemble des professionnels de la construction est associé pour l’atteinte de ces objectifs. Des campagnes d’informations et de formation leur sont dédiées.

Pour la conception et la réhabilitation des petits bâtiments, des règles parasismiques simplifiées ont été élaborées. Elles font l’objet de sensibilisation technique réalisée par l’Agence Française de génie parasismique (AFPS). Des guides et cahiers techniques sont présentés et remis aux différents acteurs. Afin de faciliter leur assimilation, le logiciel RSPB a été développé par la société SCI works avec le soutien de la Région. Il a été labellisé (AFPS).

Des « inspecteurs d’urgence » sont également formés par l’AFPS pour le « Diagnostic de bâtiments en situation d’urgence post sismique ». Suite à un tremblement de terre, avoir à disposition un bilan des dommages sur le bâti dans les meilleurs délais permet d’avoir une vue d’ensemble des risques immédiats pour les personnes. Les bâtiments aptes à être réintégrés par leurs occupants le sont en toute sécurité.

La dynamique d’acculturation au risque sismique caribéen 

Information et éducation préventives

Plus largement à l’échelle du territoire antillais, l’éducation préventive occupe une place de choix dans l’acquisition de connaissances relatives au risque sismique. A cela s’ajoute des actions de sensibilisation à destination du grand public. L’acculturation des habitants est encouragée lors d’évènements en lien avec le risque sismique et des réflexions concernant les conduites à tenir comme la mise en sûreté.

Les acteurs mobilisés sont nombreux : Rectorat, Agence Régionale de la Santé, Région, Département, communes, Plateforme d’Intervention Régionale en Amérique et aux Caraïbes, AFPS, etc. Transmettre l’information préventive, éduquer les scolaires et conscientiser le grand public nécessite également la formation de l’ensemble des professionnels mobilisés.

EDUSEIS aux Antilles

Dans le cadre du programme national de sismologie éducative, le réseau de l’Observatoire Edumed est fédéré par l’Université Côte d’Azur. Celle-ci met à disposition de la Communauté éducative des données de sensibilisation aux risques naturels pour l’enseignements des sciences. Dans les collèges et les lycées, des stations sismiques pédagogiques ont été installées. L’activité sismique locale et mondiale est enregistrée. Les données sont accessibles en ligne à l’ensemble des élèves. Elles constituent une base d’informations indispensable à la réalisation d’activités diverses en classe. Afin d’accompagner au mieux ces activités, les enseignants bénéficient de formation en ligne.

L’espace Caraïbe regroupe le réseau sismo-éducatif de Guadeloupe, d’Haïti, de Martinique. En Guadeloupe, une dizaine de stations sismologiques ont été déployées en 2018. Ce territoire caribéen se distingue par son nombre élevé de stations sismologiques éducatives. A partir des données recueillies, les élèves, accompagnés par leurs enseignants, sont invités à réaliser une enquête. L’objectif est d’identifier le phénomène naturel à l’origine du séisme du 26 mars 2021. La découverte et l’utilisation des sismographes dans la collecte des données amènent à l’interprétation des informations recueillies. Ce projet EDUSEIS favorise l’accès à une connaissance globale de l’aléa tremblement de terre et des risques associés.

Les nouvelles technologies au service de la sensibilisation au risque sismique

Lors de la dernière édition de la semaine Sismik en Guadeloupe, de nombreuses initiatives mêlant expérimentation et innovation ont été menées. A cette fin, des outils pédagogiques novateurs ont été créés. L’individu est placé au cœur de l’évènement de manière virtuelle et peut interagir avec son environnement. Une réflexion sur les conduites à tenir est donc engagée.

Le sismobus est un outil de simulation mobile. En 2 minutes et de manière individuelle, chaque élève peut éprouver les effets d’un séisme de magnitude 7.4 (référence d’Izmit en Turquie). Le simulateur est équipé d’un châssis vibrant sur lequel est visionnée de manière simultanée une vidéo d’animation 3D. Géré par l’Association Guadeloupéenne d’Ethique et de Vigilance (AGEN), ce simulateur est mis à disposition par la Région.

Un outil immersif de réalité virtuelle a été développé par l’entreprise XR Pedagogy en partenariat avec le Rectorat, la Préfecture et l’AFPS. Les élèves équipés d’un casque de réalité virtuelle sont invités à vivre le phénomène sismique à travers trois scenarios : le domicile, une salle de classe et en bord de mer avec le risque potentiel de tsunami. Le tremblement de terre de référence est celui du 21 novembre 2004 aux Saintes (magnitude de 6.3). En immersion totale mais sans danger, chaque individu peut se mouvoir dans l’environnement proposé et ressentir toutes les émotions liées au phénomène sismique. Des avatars ont été créés afin d’amener à une réflexion quant aux conduites à tenir : comment agir en cas de séisme ?

Dans l’optique d’un renforcement de compétences, l’IFFO-RMe a réalisé une formation initiale de formateurs Risques Majeurs en Guadeloupe du 28 mars au 1er avril 2022. Pendant cinq jours, les acteurs mobilisés en Guadeloupe tel que la DEAL, le SDIS, Météo France, le BRGM ou le CAUE entre autres ont été associés aux différents ateliers et aux visites de site. Les outils mis à dispositions par l’IFFO-RMe ont été présentés et mis à disposition des formateurs comme le Gafforisk séisme par exemple. Cette promotion Rmé est maintenant en capacité d’intégrer ou d’enrichir le vaste réseau de protagonistes particulièrement actifs dans la zone Caraïbe.

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